Auteur Sujet: Construire un syst?me de santé durable !  (Lu 3239 fois)

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Construire un syst?me de santé durable !
« le: 23 octobre 2008 à 12:08:21 »
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Voil? j'ai trouvé cette petite interview dans le quotidien du médecin d'aujourd'hui. J'ai pensé que ça vous intéresserai peut-?tre.



LE QUOTIDIEN – Comment s’est déroulée la concertation qui a précédé pendant pr?s d’un an le projet de loi que vous présentez aujourd’hui en Conseil des ministres  ?

ROSELYNE BACHELOT – Rarement un texte législatif, aura donné lieu ? une concertation aussi longue et approfondie. Les enjeux, il est vrai, justifiaient cette transparence. Les partenaires de l’organisation de la santé, que ce soient les syndicats, les usagers, les conférences ou encore les fédérations hospitali?res, ont chacun été reçus plusieurs fois. Ils ont nourri et amendé le texte, qui a, de fait, bougé. Il n’y a pas un élément, une virgule de ce texte, qui ne rel?ve des propositions étudiées ou  formulées par les acteurs eux-m?mes dans le cadre des états généraux de l’organisation de la santé s’agissant de la médecine ambulatoire ou, dans le cadre des travaux de la commission Larcher, s’agissant de l’hôpital. Propositions que j’ai par la suite validées. Vous le voyez, il n’y a pas de chef d’orchestre clandestin tapi dans un placard qui aurait rédigé seul ce texte, pour reprendre l’expression d’un syndicaliste.

Comment accueillez-vous les critiques qui abondent depuis un mois ?

J’y vois la preuve que cette loi est une grande loi, et non une réforme en trompe-l’?il. Vous n’entendez personne dire que la montagne a accouché d’une souris. Il est normal que cette réforme dérange des habitudes, des conformismes. Je note néanmoins que beaucoup d’acteurs saluent le texte. Les fédérations hospitali?res nous disent que cela va dans le bon sens. Les internes et les jeunes médecins en ont mesuré les enjeux. Je m’en réjouis, car c’est aussi pour eux que nous faisons cette loi. Chacun sait bien, confusément, que le statu quo est intenable. Personne ne m’a dit que c’était mieux avant. Et, finalement, derri?re les déclarations de principe bien légitimes ? ce stade du débat, je note que tout le monde dit qu’il faut une grande réforme. Ce projet de loi est attendu.

On a entendu tout et son contraire au sujet de la philosophie qui porte ce texte. Votre loi est-elle d’inspiration étatique ou libérale ?

Notre syst?me de santé est structuré par des lois d’organisation et de financement proposées par le gouvernement et votées par le Parlement. Que je sache, l’assurance-maladie n’est pas un assureur privé qui l?ve des cotisations ? son gré pour offrir des prestations ? sa guise. Le rôle de l’État est indispensable pour garantir l’acc?s aux soins. Cette loi réaffirme donc les responsabilités de l’État. C’est aussi une loi d’inspiration libérale car, pour répondre aux enjeux, elle n’impose pas des schémas rigides ? la médecine ambulatoire. Ceux qui critiquent une prétendue étatisation du syst?me seront les premiers ? se tourner vers l’État pour des questions d’organisation, de permanence des soins ou de financement. Je suis tr?s attachée ? la médecine libérale, et j’en appelle ? la responsabilité des acteurs puisqu’il n’y a pas de liberté sans responsabilité. Mon objectif est clair : je veux préserver notre syst?me de santé, je veux consolider l’héritage du pacte de 1945, c’est-?-dire le libre acc?s aux soins, et un financement solidaire de la santé. Et je veux aussi penser ? demain et construire un syst?me de santé durable. Si nous ne faisons rien, notre mod?le sera menacé.

Les agences régionales de santé (ARS), axe majeur du projet de loi, sont-elles une étape ou un aboutissement dans le processus de régionalisation ?

La maîtrise des dépenses et l’organisation des soins ont trop souvent été artificiellement séparées. Nicolas Sarkozy, dans le discours de Bletterans, a rappelé, en parlant des ARS, qu’il voulait les réconcilier. Il me fallait garantir l’acc?s aux soins au plan national tout en étant au plus proche des réalités de terrain. Notre syst?me est l’un des plus centralisés. J’ai donc voulu, ? travers cette étape de régionalisation, avoir un syst?me ? la fois responsabilisé et territorialisé. Personne ne doute que l’échelon régional est le plus pertinent. Je rappelle d’ailleurs que les principaux candidats ? la derni?re élection présidentielle – François Bayrou, Ségol?ne Royal et, bien s?r, Nicolas Sarkozy – avaient appelé ? la création d’agences régionales de santé. Cette création n’est donc pas partisane.

CETTE LOI N'EST PAS UNE REFORME EN TROMPE-L'OEIL

Les ARS, qui ont vocation ? remplacer sept structures, vont simplifier le pilotage du syst?me de santé. Elles vont aussi démocratiser ce pilotage. La gestion du syst?me doit mieux associer les malades et les usagers, tout en préservant le rôle des partenaires sociaux et des professionnels de santé.


Quand ces ARS seront-elles installées ?

2 009 sera une année de travail intense, avec notamment le recrutement des futurs directeurs d’ARS – le secrétaire général du minist?re de la Santé constitue les viviers. Le top départ opérationnel sera le 1er janvier 2010.

Les communautés hospitali?res de territoire (CHT) sont un nouveau moyen d’organiser l’offre de soins hospitali?re. ? quoi bon parler de volontariat ? leur sujet d?s lors que les ARS pourront les former d’autorité ?

Le regroupement volontaire des hôpitaux publics est le principe de base. Ce sont les hommes, et non les structures, qui font marcher les projets. Mais je ne veux pas me priver, dans des cas précis, de la possibilité pour l’ARS d’imposer une CHT. Quand il y a, par exemple, un déficit financier massif ou un manque cruel de médecins, qu’il faut un changement rapide. Aujourd’hui, un directeur d’ARH peut fusionner deux établissements : c’est assez rude. J’offre un nouvel outil au directeur d’ARS pour résoudre ses probl?mes ; il pourra proposer une collaboration tr?s étroite ? un hôpital qui ne peut plus rester seul. Ces collaborations sont tr?s soutenues par les représentants des petites villes, qui savent bien que la CHT sera un formidable outil de sauvegarde de l’hôpital de proximité face ? la pénurie médicale.

Donnez-vous un vrai « patron » ? l’hôpital, selon les v?ux du président de la République ?

Le patron de l’hôpital, c’est bien le directeur et lui seul. Il n’est pas pour autant une figure autoritaire qui décide tout, tout seul. Une organisation moderne ne fonctionne pas comme cela. Surtout, il met en ?uvre un projet médical, évidemment élaboré par les médecins et coordonné par le président de la CME, vice-président du directoire.

Pourtant, les médecins se sentent écartés de cette gouvernance nouvelle des hôpitaux…
C’est le contraire : le projet de loi consacre le travail en commun ! Le président de la CME sera vice-­président du directoire. Les chefs de pôle auront enfin les moyens de leur politique. Et la nouvelle gouvernance est renforcée avec de vrais outils donnés aux médecins. Le projet de loi est clair : ? l’hôpital, le projet d’établissement est un projet médical avant d’?tre un projet de gestion. Peut-on ?tre plus rassurant que cela ?


L’un des outils que donne la future loi aux hôpitaux pour attirer des médecins est le nouveau statut de contractuel. O? les hôpitaux trouveront-ils l’argent pour ces recrutements ?

Je rappelle que le budget des hôpitaux augmente de 2 milliards d’euros cette année. De plus, si ces contrats permettent d’accueillir des médecins performants, actifs et décidés ? se mobiliser pour l’établissement, ils apporteront des ressources, dans une logique de financement ? l’activité. Cela signifie que, si le syst?me est efficace, attire des jeunes médecins motivés qui ont envie de faire des choses, ils apporteront leurs « recettes » avec eux. Et puis, il vaut peut-?tre mieux payer plus des médecins que l’on garde que des médecins « de passage ».

JE DÉFENDS  LES MÉDECINS,
JE SUIS « LEUR » MINISTRE.
IL FAUT QU’ILS M’AIDENT


C’est la formule « travailler plus pour gagner plus » appliquée aux médecins hospitaliers ?

Les profils de carri?re changent, les aspirations et la volonté des gens changent et, aujourd’hui, les projets de carri?re du type « Je vais devenir PH, dans dix ans je serai PU-PH, dans vingt ans chef de service… » ne sont pas forcément ce qui attire les médecins ? l’hôpital. Ils ont besoin de formes d’association plus souples et de nouvelles façons de travailler.
N’oublions pas, pour revenir au financement, que les sommes que déboursent aujourd’hui certains hôpitaux pour trouver des médecins intérimaires sont totalement déraisonnables ! Quand on dit des nouveaux contrats : « ce sera forcément de l’argent supplémentaire », il faut avoir ? l’esprit les dérives ­actuelles du syst?me dans ce ­domaine ! 


Pourquoi étoffer l’arsenal des sanctions encourues par les médecins en cas de fraude ou de refus de soins ? Sur ce second point, les médecins comprennent mal le renversement de la preuve prévu par le projet de loi…
Et, pour ma part, je comprends assez mal cette réaction parce que  cela concerne un tr?s petit nombre de médecins. Ma volonté n’est pas de stigmatiser les médecins ! Bien au contraire. Je salue d’ailleurs l’immense majorité d’entre eux qui se comportent de mani?re extraordinaire.
Aujourd’hui, quand l’assurance-maladie découvre qu’un médecin facture des actes fictifs ou se livre ? un trafic de médicaments (autant de pratiques délictueuses), elle est dans l’incapacité de réagir immédiatement. Demain, les sanctions de comportements frauduleux seront d’emblée applicables et bien s?r proportionnées ? l’ampleur de la fraude. Évidemment, il y aura concertation et passage par une commission contradictoire au sein de l’organisme local de l’assurance-maladie.
Quant au refus de soins, je rappelle le serment d’Hippocrate : ne pas accueillir un patient AME ou CMU est contraire ? la déontologie. Ces malades ne sont pas « facultatifs ».
Cela étant, les sanctions prévues par la loi n’exon?rent en aucune façon le rôle du Conseil de l’Ordre des médecins qui reste la référence en cas de manquement ? la déon­tologie.


En mati?re de permanence des soins (PDS), les ARS vont-elles sauver la situation ? Et comment gérer la période de transition entre l’ancienne et la nouvelle organisation ?

La PDS marche bien sur l’ensemble des départements, mais, la mission d’appui l’a prouvé, elle souffre de rigidité. La géographie, la sociologie… font que chaque département a une histoire particuli?re de PDS. Dans ce contexte, le projet de loi n’est pas du tout ? une étatisation de la permanence des soins. Au contraire, il propose une plus grande liberté aux professionnels de santé pour mettre en ?uvre, sous l’autorité du directeur général des ARS, une PDS adaptée aux réalités du terrain, o? l’on pourra déroger au cadre unique d’aujourd’hui (un seul effecteur, des tarifs bloqués…). On peut envisager un partenariat avec un établissement ou avec SOS-Médecins, du paiement au forfait, des tr?s grands secteurs, plusieurs effecteurs… Je souhaite une vraie optimisation ville-hôpital. En ville, cela vaut-il la peine d’avoir une PDS libérale en milieu de nuit dans un rayon de 100 m?tres autour des urgences d’un hôpital ouvertes toute la nuit ? Et, ? l’inverse, ne vaut-il pas mieux concentrer cette PDS libérale sur le samedi et le dimanche, quand tout le monde se précipite aux urgences, dont on sait qu’il faut absolument les désengorger ? Il faut faire preuve de bon sens. Quant ? la transition, elle pourra se faire par le biais des expérimentations de la PDS que permet la derni?re loi de financement de la Sécurité sociale.

En mati?re de liberté d’installation, il semble que vous devrez peut-?tre composer au Parlement avec des amendements « durs » venus de votre propre camp politique ?

Face aux probl?mes de démographie médicale, il faut faire attention aux fausses bonnes idées. La gauche, qui n’est souvent pas claire, l’est pour une fois sur cette question : elle est contre la liberté d’installation.
Je suis pour ma part une libérale, attachée ? la liberté, mais il faut bien que les professionnels de santé – et en particulier les médecins – prennent la mesure de l’opinion publique et comprennent que le syst?me qu’ils défendent a un corollaire : celui de la responsabilité. On ne peut pas dire « liberté, liberté ! et surtout que rien ne change ». Il faut des résultats sur la démographie, la PDS, sur un certain pourcentage de soins en tarifs opposables… Sinon, on donne des armes ? ceux qui sont contre la liberté d’installation…


LE PATRON DE L'HÔPITAL,
C'EST BIEN LE DIRECTEUR ET LUI SEUL


Que direz-vous aux parlementaires ?

Que le meilleur syst?me, c’est celui de la liberté, et que l’on a des outils ? travers cette loi qui vont permettre de répondre aux probl?mes qu’ils rencontrent sur le terrain. J’ai une expérience d’élue locale et d’élue nationale. J’ai fait des permanences  ; les probl?mes de la démographie médicale, je les connais  !
Les gens viennent vous dire qu’ils sont inquiets parce qu’ils ne trouvent pas de médecin au milieu de la nuit, ils vous racontent qu’ils ont attendu des heures aux urgences, qu’ils n’ont pas trouvé de place pour leur grand-p?re, que leur belle-fille a accouché et qu’elle a eu un dépassement non remboursé  pas la Sécurité sociale… Je veux que les médecins prennent la mesure de tout cela et qu’ils soient ? mes côtés dans cette affaire. Je les défends, je suis « leur » ministre. Il faut qu’ils m’aident.


Confirmez-vous que la procédure d’urgence s’appliquera ? la loi HPST ?

Cette question n’est pas tranchée. Mais nous souhaitons que la loi soit adoptée ? la fin de l’année ou au tout début de 2009.

La crise financi?re peut-elle compromettre la mise en ?uvre de votre loi ?

Je ne vois pas comment la crise peut affecter la priorité qui a été donnée par le président de la République et par le gouvernement ? la santé. On va dans quelques semaines voter un PLFSS avec un ONDAM ? + 3,1 %  ! Dans des circonstances aussi difficiles que les nôtres, c’est le signe d’une grande volonté. Cette volonté, il faut la saluer, l’accompagner, il faut se sentir responsable.


> PROPOS RECUEILLIS PAR DELPHINE CHARDON ET KARINE PIGANEAU

Article publié dans "le Quotidien" du 22/10/2008