Auteur Sujet: Mouvement de protestation des D4 nantais  (Lu 2397 fois)

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didine

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Mouvement de protestation des D4 nantais
« le: 27 mai 2012 à 10:01:54 »
+7
Bonjour,
Voilà un récit intéressant d'une belle aventure nantaise. J'ai cette lettre depuis quelques temps, j'ai mis un peu de temps pour la transmettre. Mais bon, comme quoi, la formation et la pensée politique associées au collectif a une grande force;)
bise, Adeline

Bonjour à tous,

  Ceci risque d'être un long mail donc pardon d'avance pour les longueurs... Je  m'appelle Mathilde, je suis en DCEM4 à Nantes et j'ai été élue pendant 2  ans (de novembre 2009 à novembre 2011) au conseil d'UFR de la faculté  de médecine de Nantes. A ce titre, j'ai été membre de commissions  pédagogiques et je me suis intéressée aux problématiques des études  médicales. Je n'ai jamais été administratrice de l'ANEMF et n'ai jamais  participé à aucun congrès ANEMF. D'ailleurs, je ne suis pas sur la ML  représentation et donc si quelqu'un voulait bien y transférer ce mail,  je lui en serais très reconnaissante (MERCI^^) !

  Si je vous écris  aujourd'hui, c'est parce que cette année de D4 aura été  particulièrement houleuse à Nantes (pour se terminer par une semaine de  grève du 23 au 30 avril) et que je me dis que ça pourrait être utile à  d'autres de savoir ce qui s'est passé et comment... Parce que mine de  rien, nous on s'est senti un peu seuls ;)...

  Seuls avec leurs  stages qui ne répondent pas à leurs attentes, seuls face aux réformes  dont ils ne comprennent pas l'intérêt, seuls face au mépris de l'hôpital  qui considère trop souvent les externes comme de le main d’œuvre bon  marché en oubliant qu'ils sont d'abord là pour apprendre, seuls face à  l'institution hospitalo-universitaire engluée dans des combats d'ego,  des querelles de clochers et des intérêts personnels qui prennent  souvent le pas sur l'intérêt collectif...c'est l'image que j'avais des  étudiants lorsque j'ai été élue avec 4 autres étudiants de ma promotion,  il y a 2 ans ; élections qui se passent dans l'indifférence générale  (ou presque) mais où on est très fière d'annoncer un taux de  participation supérieure à 15% !!!

  Au vu des circonstances, nos  objectifs étaient modestes : ouvrir des espaces de dialogue entre  enseignants et enseignés pour définir des objectifs communs et tenter de  les atteindre, dans le respect des contraintes de chacun, pour  améliorer notre formation (en l’occurrence, faire que ceux qui me  soigneront lorsque je serai vieille et ridée soient (un peu) meilleurs  que moi) tout en étant REPRÉSENTATIFS de notre promotion, sans oublier  (surtout!) ceux qui n'avaient pas voté pour nous et en gardant à  l'esprit qu'on était d'abord là pour défendre les intérêts, les opinions  des étudiants, du groupe, de la majorité et non les nôtres...

  Le  vice-doyen à la pédagogie paraissait alors un interlocuteur de choix.  Passionné de pédagogie, dévoué aux étudiants, il anime des réunions  pédagogiques tous les mois, réunions ouvertes aux élus mais aussi à tout  étudiant motivé par les questions de pédagogie et d'enseignement à la  fac.

  Au départ, on y a vraiment cru, qu'on allait changer un peu  les choses, qu'on avait un vrai dialogue constructif. On a fait des  enquêtes auprès des étudiants, on les a sensibilisés aux problématiques  complexes de pédagogie dans un système très dépendant de l’hôpital alors  que celui-ci est malmené (le CHU de Nantes est sous la tutelle directe  de l'Etat vu son déficit), en essayant de rester objectifs. On a appris à  dire "on ne peut pas prendre une décision là-dessus, maintenant, on  doit demander aux étudiants ce qu'ils en pensent d'abord". Bref, on  essayait d'être un canal de communication dans les 2 sens, entre les  étudiants et la faculté et inversement.
 Et à force de les harceler de  mails, d'annonce en amphi, etc., on a fini par être identifiés comme personnes-ressources pour la promo, comme des représentants légitimes. Mais en même temps qu'on gagnait la confiance des étudiants, on perdait celle qu'on avait mis dans notre administration. On voyait se répéter les mêmes réunions, les mêmes débats, les mêmes promesses sans que les choses ne changent vraiment à la fac. Pire, on avait le sentiment que la situation des externes, travailleurs-salariés, se dégradait franchement  ; l’hôpital (avec lequel nous n'avions jamais eu de véritables  discussions) et la faculté choisissant le statut qui les arrangeait  quand ça les arrangeait...

  Là-dessus est arrivée la réforme de la  D4 où Nantes a été en première ligne, notre doyen Rogez étant très  investi au national. Et une fois de plus les étudiants ont eu le  sentiment que tout ça se décidait sans eux, qu'on les "entubait" et  qu'ils avaient juste le droit de se taire. De grands débats ont traversé  la promo au sujet du stage été : Irait-on ? Ou pas ? Si oui, dans quel  cadre ? Pourquoi faire ? En tant que représentants, nous étions  convaincu que le CHU de Nantes ne pourrait pas tenir 2 mois sans externe, mais on voyait mal  ce qui pourrait inciter les étudiants à y aller... Puis certains, au sein de la promo, ont proposé de changer quelque peu le mode de répartition au sein des terrains de stage (répartition qui se faisait au classement pour les 10 semaines d'affilée dans un même stage) afin de permettre à ceux qui étaient un peu moins bien classé de pouvoir faire au moins une partie de leur stage dans un service qui les intéresse... La majorité de la promo s'étant dit favorable au projet, nous (les représentants de la promo) avons décidé de le défendre devant notre administration. Ce projet nous paraissait une excellente idée (l’hôpital avait ses externes, les externes avaient le choix, bref, on changeait pour ne rien changer!)

  Mais l'administration, en la personne du vice-doyen à la pédagogie, a eu le sentiment que nous dénigrions son travail et s'y est opposé violemment, allant jusqu'à qualifier les étudiants de "gamins capricieux". Seulement  voilà, probablement pour de multiples raisons (le non de trop, la  D4, la pression pré-ECN, le ras-le-bol du mépris, etc.), les étudiants  n'ont pas cédé. Et après des discussions houleuses, notre Doyen a adhéré  au projet et l'a imposé à notre vice-doyen et aux affaires médicales,  ce dont nous lui sommes reconnaissants.

  Mais c'est alors que  notre vice-doyen a réalisé qu'il avait fait une erreur dans notre  calendrier (erreur que nous, élus, lui avions signalé dès la rentrée  mais dont il avait nié l'existence), et il a alors décidé de transformer  une de nos 5 semaines de révisions pré-ECN en semaine de stage banalisé  (tout le monde retourne dans les services). Et il a annoncé cette  décision par simple affichage sans excuse ni explication... Dans le même  temps fleurissait au self de l'hopital une note anonyme mais officielle  stipulant que les "étudiants de l'université" prenaient trop de place  au self et étaient priés de respecter le temps de pause déjeuner des  autres salariés de l'établissement !

  C'en était trop, on avait  vraiment le sentiment d'être une variable d'ajustement sans aucune  considération, que tout et n'importe quoi nous soit reprochés sans qu'on  puisse se défendre. Après l'expérience du stage d'été, nous avions la  certitude que le groupe, le collectif pouvait l'emporter. Et une partie  de la promotion de D4 a décidé de poser un préavis de grève,  symboliquement, juste pour une semaine. Nos examens étaient passés et on  les voyait mal invalider le dernier stage de la moitié de la promo ;) ! On  s'est renseigné sur comment poser un préavis de grève et ce fut  intéressant de discuter avec l'inspection régional du travail "Le code  du travail ne concerne que les salariés travaillant dans le secteur  privé.  Si vous avez des interrogations sur votre statut, vous avez la  possibilité de saisir votre service gestionnaire du personnel." et les  autre syndicats du CHU "on comprend, c'est intéressant, c'est rare  de  voir le corps médical se mobiliser pour ses conditions de travail,  mais  on ne fera rien pour vous et il vous faut un syndicat pour poser un préavis de grève, demander aux syndicats étudiants" ; sauf que légalement l'ANEMF n'est pas syndicat mais une association et qu'on voyait mal les syndicats étudiants se positionner sur des problèmes de salariés hospitaliers...

  Mais on n'a pas renoncé et on a opté pour une "pétition" (que vous trouverez en pièce jointe) avec une "action de désobéissance civile, à savoir notre absence annoncée des services durant la dernière semaine d'avril" et 115 D4 sur 200 l'ont signée. Et nous l'avons envoyé le 6 avril dernier à la directrice générale du CHU de Nantes, à son directeur des affaires médicales, au président de la CME et au doyen. Nous avons aussi invité les D2 et les D3 à signer le même texte la dernière phrase ayant été remplacé par "nous soutenons le mouvement des D4"

  Le 16 avril nous étions 2 étudiants représentants le mouvement à être convoqués par notre Doyen et  notre vice-doyen à la pédagogie pour discuter de cette lettre. Il en est ressorti que si ils désapprouvaient la forme, ils n'avaient pas beaucoup d'objections sur le fond. Et notre doyen a reconnu qu'ils ne pouvaient,à  eux seuls, faire avancer le problème ; c'est pourquoi il a proposé d'organiser pour le lundi suivant (1er jour de la grève annoncée) une réunion avec la direction générale de l'hopital. Ce geste nous a semblé positif et les étudiants ont décidé d'organiser d'eux-mêmes un service minimum, culpabilisant de prendre en otage, par leur absence, les patients et les équipes soignantes. Alors que nous étions sans nouvelle de cette hypothétique réunion avec la DG de l'hopital, tous les étudiants de D4 ont reçu le samedi précédant la semaine de grève un courrier venant de la Direction des Affaires Médicales leur signalant que comme tout gréviste, cette semaine serait retenue sur leur salaire, mais que si ils venaient travailler, ils devraient en faire la preuve pour toucher leur salaire. Ca a littéralement fait exploser la marmite et le service minimum a volé en éclat.

 Le lundi matin à 10h, j'ai reçu un e-mail de mon doyen me confirmant qu'une réunion avec la DG aurait lieu le soir-même à 17h30. Nous étions 2 étudiants face au directeur général adjoint de l'hopital, au directeur des affaires médicales, au doyen et au vice-doyen, et je dois dire que cette heure de débat s'est déroulée de façon paisible et constructive. Ils ont écoutés nos revendications (vous les trouverez en pièce jointe) et se sont dit prêts à écrire une charte de l'externe approfondie définissant au mieux notre statut "même si il y a des choses qu'on ne pourra pas écrire", ils envisagent de payer les gardes surnuméraires, etc.  Nous devons nous revoir le 12 juin pour finaliser les choses, en présence des représentants des autres promotions puisque c'est pour eux, que les choses vont changer. Quant à la semaine de grève, ils nous ont clairement signifié qu'il n'y aurait pas d'assignation "soyons raisonnables, ça ne tiendrait pas 2 secondes devant un juge administratif"

  J'ignore ce qui va se passer par la  suite mais je peux déjà vous dire ce que nous, simples D4 Nantais, avons gagné cette année. Nous avons acquis la certitude que le collectif, le groupe est bien plus fort qu'on ne croit. Nous sommes sortis, TOUS ENSEMBLE (j'insiste, c'est important^^!) du statut de victime qui ronchonne dans son coin en maudissant son quotidien pour entrer dans celui d'acteur combatif, force de proposition pour changer sa formation. Et je veux croire que tout ceci n'est que le début d'un profond changement. Bien sûr les évolutions prennent du temps et c'est aux promotions qui nous suivront de prendre le relais ; à leur tour d'être des acteurs volontaires, responsables et courageux face aux instances qui nous dirigent...

  Si je vous raconte tout ça, c'est  aussi parce que je crois que ce qui s'est passé à Nantes pourrait/devrait se passer dans d'autres villes de France. Et qu'au lieu de nous diviser et de nous épuiser dans des combats inutiles, nous devrions cesser d'être systématiquement CONTRE mais plutôt POUR changer les choses en nous positionnant comme une véritable force de proposition  constructive et responsable. N'ayons pas peur les uns des autres, nous  sommes des adultes normalement "cortiqués" et nous pouvons tous saisir a  minima les enjeux positifs comme négatifs de telle ou telle situation.  Mais cela nécessite de la part de ceux qui se placent en responsabilité  un long (et parfois ingrat) travail d'éducation et de sensibilisation.  Cela signifie aussi faire confiance à ceux qui nous font confiance et  accepter d'être critiqués (parfois violemment) voire désavoués sur des  propositions qui semblaient apparemment les meilleurs... Ne doutez pas  qu'un groupe est d'abord riche de sa diversité d'opinion et que comme  dirait notre doyen Rogez "on évalue la valeur d'une équipe à la place  qui est faite au joueur le plus faible"

  Merci à ceux qui m'auront lu jusqu'au bout (et BRAVO^^!). N'hésitez pas si vous avez des questions, ce sera avec plaisir ! Un MERCI spécial à Aurore, Elise, JP et surtout Trystan, sans qui rien de tout ça n'aurait été possible... Bon courage pour les combats à venir et surtout...ne lâchez rien ;)

  Mathilde Boursier DCEM4 Nantes mathilune@voila.fr

  "D'abord ils vous ignorent, ensuite ils vous méprisent, puis ils vous combattent et enfin vous gagnez !" Gandhi (1869 – 1948)


didine

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Re : Mouvement de protestation des D4 nantais
« Réponse #1 le: 21 octobre 2012 à 12:07:22 »
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Bonjour,

Cette lettre me semble bien être de nouveau au gout du jour!
N'hésitez pas à réagir!

Bise, Adeline